Si
les premières traces d'extraction à Barchon et à Cheratte datent du
début du 16ème siècle, l'exploitation industrielle du charbon remonte
quant à elle au 19ème siècle. À cette époque, de nombreux bures et
galeries à flanc de coteau font leur apparition dans la zone et en
1827, les premières machines à vapeur y sont installées.
Plusieurs
concessions se partagent alors la région :
- la concession
de
Cheratte,
- la concession
de
Bouhouille,
- la concession
de
Housse.
Rassemblées
essentiellement sur le versant est de la Meuse, ces concessions
couvrent une vaste zone d'exploitation passant sous les anciennes
communes de Cheratte, Visé, Housse, Barchon, Wandre et Saive. Les
venues d'eau sont légion dans le bassin liégeois et l'approfondissement
des chantiers réalisés à cette époque entraîna de nombreux problèmes
qui menèrent souvent à l'abandon des petites fosses. Pour désengorger
les chantiers, il est alors décidé de creuser huit areines débouchant
toutes au pied de la vallée. C'est précisément à cet endroit que fut
fondée, en 1845, la Société
Charbonnière de Cheratte dont la
construction de l'unique siège débuta l'année suivante. En 1848, deux
puits y furent foncés et dans les années 1850, le siège entra en
production. En 1869, les trois concessions locales fusionnent, donnant
naissance à la Société
Anonyme des Charbonnages de Cheratte, Bouhouille et Housse Réunis.
En
1877, une montée subite des eaux dans les galeries provoque la mort de
nombreux mineurs. Cette catastrophe, causée par la proximité de la
Meuse, mit la société en grande difficulté et, malgré une tentative de
relance, celle-ci fut mise en liquidation l'année suivante. Après sa
fermeture, le charbonnage est démantelé et le chevalement de son puits
d'extraction est revendu à la Société Anonyme des Charbonnages
d'Argenteau-Trembleur où il équipera par la suite le puits Marie. Au
début du 20ème siècle, il ne reste de ce siège que des ruines dont le
vestige le plus probant est la tour d'aérage du puits Hognée, située
sur les hauteurs du site. En 1905, la concession de Cheratte est malgré
tout rachetée par la Société
Anonyme des Charbonnages du Hasard située à Micheroux et
dont les ingénieurs soupçonnent d'énormes réserves en profondeur.
À l'époque de ce rachat, plusieurs sièges sont en activité dans cette
société :
- le siège de
Micheroux,
- le siège de
Fléron,
- le siège St
Guillaume,
- le siège de
Melen.
De
nouveaux sondages réalisés à Cheratte menèrent à la découverte d'une
vingtaine de nouvelles veines de charbon maigre, toutes situées sous
l'ancienne exploitation. La décision de reconstruire un siège à
Cheratte ne se fut pas attendre et, en 1907, la première tour
d'extraction de Belgique est construite sur le puits N°1, désormais
profond de 420mètres. Cette tour néo-médiévale de 30m de hauteur est à
l'époque basée sur le modèle des tours d'extraction de type malakoff,
principalement utilisées dans le bassin de la Ruhr bien que certains
exemples soient présents en France, comme la fosse du Sarteau située à
Fresnes-sur-Escaut. Dans les années 1920, un port est construit à
proximité du siège, ce qui participe grandement à la croissance du
siège qui s'équipe d'un lavoir en 1920 ainsi que d'une seconde tour
d'extraction, entièrement métallique, trois ans plus tard.
Le
nombre d'ouvrier étant sans cesse croissant, il fut décidé, en 1925, de
construire en face du charbonnage une splendide cité-jardin composée de
200 maisons possédant chacune un potager et un petit jardin. En 1927,
la cheminée d'aérage du puits Hognée fut démontée et remplacée par une
tour en béton équipée d'un treuil servant à remonter les stériles.
C'est également cette année-là que débutèrent les travaux du puits N°3.
En 1930, la société du Hasard absorbe la Société anonyme du
Charbonnage de Belle-Vue et Bien-Venue, située à Herstal, ainsi que la
société voisine des Charbonnages de Maireux et Bas-Bois dont le dernier
siège actif est le Bas-Bois à Soumagne. Par la suite, les chantiers de
ce dernier seront connectés au Hasard de Cheratte qui récupère
désormais les productions d'une majorité des sièges encore actifs de la
société. Lors de la seconde guerre mondiale, la société perd la moitié
de ses effectifs et les Allemands n'ont pas d'autres choix que de faire
appel à des prisonniers de guerre dont la majorité provient de l'armée
soviétique. Lors de la fuite des occupants, ces prisonniers furent
emmenés en Allemagne. Après la guerre, les travaux du puits N°3, d'une
profondeur de 490mètres, s'achèvent et celui-ci entre en production en
1953 avant de reléguer le puits N°1 à l'aérage. Quant au puits N°2, il
fut abandonné la même année. L'entrée en vigueur du CECA, en juillet
1952, provoque malheureusement la fermeture de plusieurs sièges de la
société dont voici une liste chronologique :
- le siège de
Fléron en 1963,
- le siège
Belle-vue en 1968,
- le siège
Bas-Bois en 1970,
- le siège de
Micheroux en 1974.
Après
cette date, seul le siège de Cheratte reste actif et 600 ouvriers
travaillent encore dans ses profondeurs. Il fermera cependant ses
portes en octobre 1977 avant d'être abandonné de nombreuses années. Par
la suite, la tour d'extraction du puits N°2 fut démantelée et, en 2017,
ce fut au tour du chevalement du puits N°3. Un projet de réhabilitation
prévoyant l'aménagement de 80 appartements et 32 maisons sur le site
tout en conservant la structure interne de la tour malakoff ainsi que
sa machine d'extraction fut mis en chantier la même année et ne devrait
pas se terminer avant 2026.
À Soumagne, le chevalement du puits
d'extraction du Bas-Bois ainsi que sa machine d'extraction furent
sauvés de la destruction avant d'être magnifiquement réhabilités au
centre d'un parc. Il s'agit d'un vestige méconnu qui mérite assurément
plus de succès.
Domaine du Bas-Bois
Rue Célestin Demblon
4630 Soumagne