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Espagne - Province de Ciudad Real

Mercure   Charbon

Almadén


La mine d'Almadén



L'exploitation minière du sulfure de mercure à Sisapo, une petite localité située dans l'ouest de la province de Ciudad Real, remonte à l'Antiquité. À cette époque, ce minerai (également nommé cinabre) est extrait pour obtenir un pigment vermillon très prisé pour la confection des vêtements et la décoration des céramiques. En pleine expansion, cette industrie fut cependant mise à l'arrêt suite à l'arrivée au pouvoir des Wisigoths. Cette dernière sera relancée par le Califat de Cordoue au 8ème siècle de notre ère, Sisapo étant renommée Almadén, un mot signifiant "mine" en arabe. On estime que durant cette période, près de 1.000 ouvriers travaillaient en continu dans cette exploitation qui atteignait les 70 mètres de profondeur. Après la reconquête par les Chrétiens en 1151, la région d'Almadén est confiée à l'ordre militaire de Calatrava. La mine est mise à l'arrêt et ce n'est qu'après l'arrivée du roi Alfonso VIII, en l'an 1168, que cette dernière reprendra du service sous l'impulsion d'industriels catalans qui cédèrent les droits d'exploitation à des marchands génois en échange d'une partie de leur production.
En 1368, la mine est nationalisée et devient la propriété du Trésor Royal. C'est à cette époque que le mercure (aussi nommé vif-argent) commence à être extrait du cinabre afin d'en tirer un amalgame utile dans les exploitations aurifères. Ce procédé extrêmement polluant consiste à mélanger du mercure à du minerai contenant de l'or avant de placer le tout dans un four. Après un long processus d'évaporation, il ne reste qu'à récupérer l'or pur au fond de ce dernier. L'intensification de l'exploitation cause malheureusement son lot de malheurs et ce sont en particulier les maladies liées au mercure qui font leur apparition au sein du milieu ouvrier. L'hydrargyrisme par exemple fait des ravages et ses symptômes sont terribles :

- dysfonctionnement cérébral,
- dysfonctionnement rénal,
- dysfonctionnement du système nerveux central,
- dysfonctionnement du système endocrinien.

Au 18ème siècle, pour contrer l'exode des mineurs et ainsi augmenter la production d'or dans les colonies d'Amérique, le roi Carlos IV, accordera aux mineurs d'Almadén une exonération fiscale. Cette décision influencera grandement les ouvriers qui retournèrent exploiter le cinabre malgré les risques sanitaires. La mine est alors composée de deux puits :

- le puits d'extraction San Aquilino,
- le puits San Miguel.

Ce dernier, équipé à l'origine d'un chevalement en bois, est situé en plein coeur de la ville d'Almadén et était alors utilisé pour le transport des matériaux et du personnel. En 1720 fut installée une batterie de four à aludels, aussi nommé "four de Bustamante" en hommage à Juan Alonso Bustamante, industriel espagnol qui importa cette technologie dans le pays en 1646.
C'est également à cette époque qu'est foncé le puits d'exhaure San Teodoro. Situé à proximité immédiate du puits San Aquilino, ce dernier fut équipé de la première machine de drainage à vapeur du pays. En 1755, un incendie causé par une torche mal éteinte cause la destruction de la totalité du soutènement de la mine. Ce brasier continua à consumer les différents niveaux de l'exploitation pendant plus de deux ans et ce n'est qu'après d'intenses efforts et l'abandon de plusieurs sections que le travail put reprendre. Cependant, l'indépendance des colonies d'outre-Atlantique porte un coup sévère au trésor espagnol qui décide d'hypothéquer les mines. C'est alors que les Rothschild entrent en scène. Actionnaires majoritaires de la mine dès 1835, ces derniers financent une modernisation complète des installations, le puits San Teodoro passant à un diamètre de 4,5 mètres et à une profondeur de 522 mètres. Avec sa capacité d'extraction de 50 tonnes à l'heure, c'est désormais ce dernier qui devient le puits principal, les puits San Miguel et San Aquilino étant quant à eux relégués à l'aérage et au transport du personnel. En 1905 fut construite une batterie de fours Cermak-Spirek afin de remplacer les fours à aludels, elle fonctionnera jusqu'en 1954 avant d'être remplacée par une série de fours Pacific-Herreshof. Atteignant désormais une température de 750°C, ces derniers réduisent considérablement le temps de grillage du minerai. L'année suivante, un accident survenu sous le 9ème étage du puits San Aquilino motive la Direction à entreprendre la construction d'un nouveau puits et c'est à la fin des années cinquante que le fonçage du puits San Joaquin débute. Equipé à ses débuts d'un chevalement métallique et d'une machine d'extraction électrique à tambour, il sera modernisé en 1975 avec une tour d'extraction à skip surmontée d'une machine d'extraction à poulie Koepe, devenant par la même occasion le puits d'extraction principal. San Teodoro, lui aussi modernisé avec une tour, sert désormais au transport du personnel. Durant les années 80, malgré la récession et la chute du prix du mercure sur les marchés mondiaux, quatre puits sont toujours actifs :

- le puits San Joaquin,
- le puits San Teodoro,
- le puits San Miguel,
- le puits Robbins.

Ce dernier, foncé au début de la décennie, est destiné à l'aérage du quartier ouest de la mine. Le 31 mars 1982, la mine est reprise par la Minas de Almadén y Arrayanes, S.A. (MAYASA), une société liée auparavant aux mines d'Arrayanes situées à Linares dans la province de Jaén. Cette nouvelle structure permet à Almadén de récupérer une partie des avoirs d'Arrayanes ainsi que son tout dernier ouvrier, Pedro Díaz Vela, qui fut employé dans la mine de mercure jusqu'à sa retraite, en mai 1989. En raison d'une production excédentaire, la mine fut mise à l'arrêt à plusieurs reprise, la société décidant de compenser son déficit en créant une filiale nommée Química del Estroncio et dont la mission est de raffiner la célestine, une variété de sulfate de strontium aux applications industrielles diverses et variées. La mine d'Almadén passe le cap du nouveau millénaire avec une production d'à peine 236 tonnes de cinabre dont l'exploitation fut définitivement arrêtée en juin 2001. Le département sidérurgique resta quant à lui en fonction jusqu'en juillet 2003 afin de raffiner les derniers stocks de minerai. La longue histoire minière d'Almadén ne s'arrête heureusement pas là et c'est dans le secteur touristique que cette dernière s'est reconvertie. Une petite partie des installations est aujourd'hui visitable et une descente à 50 mètres de profondeur est possible via le puits San Teodoro. En 2012, le Parque Minero de Almadén fut inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO avec la mine d'Idrija en Slovénie, elle aussi liée à l'exploitation du vif-argent. Avec plus d'un tiers des extractions mondiales produites, la mine d'Almadén est aujourd'hui considérée comme la mine de mercure la plus importante ayant jamais existé dans l'histoire du monde.



Almaden Mining Park
Cerco de San Teodoro s/n
13400 Almaden
https://parqueminerodealmaden.es/

      Reportage sur les installations de surface et de fond de la magnifique mine de mercure d'Almadén, un des plus beaux vestiges minier du sud de l'Espagne.

Copyright (c) / Photos by Nicolas Elias, Xavier Fer & Laura Dambremont