À
l'aube du 19ème siècle, dans l'ancien département français de l'Ourthe,
Jean-Jacques Daniel Dony, un abbé versé dans la chimie commence à
réaliser des expériences de raffinage sur le zinc, un minerais que l'on
trouve en abondance en surface et dont des petites exploitations sont
avérées depuis le 13ème siècle. En 1805, celui-ci introduit une demande
de concession auprès de Napoléon et obtient un accord un an plus tard
par
décret impérial. Dès lors, Dony fonde près de Moresnet une petite mine
à flanc de coteaux et lui donne le nom d'Altenberg, Vieille Montagne
en
français.
Son procédé de raffinage est révolutionnaire et, dès
1810, les premiers lingots de zinc sont produits dans un laminoir de
Givet. Un brevet est déposé et en 1811, le zinc trouve sa voie grâce à
un couvreur qui désire s'inspirer des techniques d'assemblage des
toitures en plomb pour réaliser la première couverture en zinc laminé
au monde à l'église St Barthélémy à Liège. Cependant, Dony s'endette
considérablement et, en 1813, il est obligé de céder ses installations
et son brevet à François-Dominique Mosselman, un riche négociant
Bruxellois avant de décéder six ans plus tard dans une misère absolue.
Vivant entre Bruxelles et paris depuis la fin du 18ème siècle,
Mosselman importe rapidement le zinc de la Vieille Montagne dans la
capitale française et, en 1815, la première toiture en zinc est
réalisée dans la ville. En 1816, le contrat des frontières redessine
les contours de la région liégeoise. Le village de Moresnet revint aux
Pays-Bas tandis que le territoire actuel de Neu-Moresnet alla à la
Prusse. En l'absence d'un accord favorable, la mine Altenberg, située
entre les deux territoires reçu un statut spécial et devint Moresnet
Neutre. Ce territoire de quelques kilomètres fut dès lors géré par le
droit français tout en étant régit par des commissaires Hollandais et
Prusses.
Outre la mine d'Altenberg et les anciennes usines
de Dony, Mosselman détient maintenant des fonderies à Hergenrath, à
Saint-Léonard et à Angleur. Il fait également l'acquisition, en 1824,
des houillères de Foxhall et de Darford situées en Angleterre. En 1830,
la Belgique proclame son indépendance et annexera la zone de Moresnet
Neutre à son territoire. Peu de temps après, le royaume de Belgique
nomma comme ambassadeur auprès de la France Charles le Hon dont la
femme n'était autre que la fille de François-Dominique Mosselman:
Françoise Mosselman. En 1832, le frère de celle-ci, Alfred, prend la
direction de la société de son père et s'allie à sa soeur pour fonder
la Mosselman frères et sœurs, entreprise dans laquelle la Banque
Centrale de Belgique injectera 800.000 francs en 1838. En décembre
1851, le Duc de Morny fomente un coup d'état grâce à un financement
provenant de Françoise Mosselmann, dont il est l'amant, et mit fin à la
deuxième république. C'est ainsi que Napoléon III devint empereur et
que l'entreprise, devenue la Société
des mines et fonderies de zinc de la Vieille-Montagne,
entra dans les bonnes grâces de
celui-ci. Soucieux de régner dans une capitale digne de ce nom,
Napoléon souhaite transformer Paris, alors relativement moyenâgeuse, en
une ville moderne et grandiose. Il confie la tâche au Baron Eugène
Haussmann qui, pendant dix-sept ans, réalisa un réaménagement profond
de la capitale et imposa un style de toit dit Haussmannien, réalisé en
zinc.
Plus tard, sous l'impulsion de Françoise Mosselman et pour
éviter la dégradation des façades régulièrement imbibées d'eau de
pluie, un décret concernant l'obligation de poser des gouttières en
zinc à la base des toitures est voté. Une manoeuvre très habile pour
promouvoir une fois de plus la Vieille Montagne qui voit ses ventes
doubler à chaque décennie. En 1852, Vieille-Montagne s'associe avec la Société des Mines et
Fonderies de Zinc de la Meuse pour racheter les parts de
la Société Anonyme
de la Grande Montagne
située à Flône, association qui sera dissoute en 1853, lors de la
fusion de l'intégralité de la zone avec Vieille-Montagne. À la fin du
19ème siècle, la révolution
industrielle transforme durablement la société et le zinc est propulsé
au rang de matériaux modernes, au même titre que le verre. Lors de
l'exposition universelle de Paris, en 1889, la mine produit déjà plus
de 90.000 tonnes de zinc laminé dont 40% est destiné à l'usage
domestique et la renommée de sa production dépasse largement les
frontières des pays limitrophes. C'est ainsi qu'on retrouve du zinc
belge à St Petersbourg ou encore à Buenos Aires.
Le
zinc continue sa croissance grâce à de nouveaux usages comme le "blanc
de zinc" ou encore la galvanisation, un procédé qui consiste à
appliquer une fine couche de zinc autour d'une pièce d'acier. Découvert
à la fin du 19ème siècle, cette technique prendra son essor à mesure
que l’acier se développera dans les usages industriels, les
infrastructures et les transports. La galvanisation deviendra avec le
temps le débouché majeur du zinc. L'augmentation de la demande oblige
la société de la Vieille Montagne à rechercher de nouvelles mines pour
approvisionner en minerais ses usines belges. C'est ainsi que la
société se lancera dans une immense vague d'acquisition qui s'étendra à
toute l'Europe.
La société compte
alors :
- 11 sites en
France,
- 8 sites en
Afrique du Nord,
- 7 sites en
Belgique,
- 4 sites en
Angleterre,
- 4 sites en
Italie,
- 3 sites en
Allemagne,
- 2 sites en
Suède,
- 2 sites en
Espagne.
Outre
ces différents sites de productions minières et sidérurgiques, la
société possède également des dépositaires commerciaux répartis sur
l’ensemble de la planète, de Mexico à La Havane, de Tokyo à New York en
passant par Alexandrie , Moscou et St Petersbourg.
En 1895, alors
que la mine de zinc de Moresnet vient de fermer ses portes, la Prusse
tente vainement d'annuler le statut particulier de Moresnet Neutre.
Devant l'entêtement des autorités locales, la Prusse eu recourt à des
actes de sabotages qui eurent pour résultat l'isolement du village qui
se retrouva rapidement sans électricité et sans lignes téléphoniques.
L'entrée des troupes allemandes sur le territoire belge en 1914 mis
finalement fin à la neutralité de Moresnet Neutre. Lors du conflit, les
mines et usines allemandes de la Vieille Montagne furent placées sous
l’autorité d’un commissaire spécial allemand. Les sites de production
situés hors Allemagne entrèrent quant à eux en résistance en refusant
de fabriquer des acides ou des pièces susceptibles d’entrer dans la
fabrication d’armements. Cependant, cette situation se renversa
rapidement lorsque les allemands placèrent la société sous séquestre.
Sur les quatre années de guerre, l'Allemagne réquisitionnera à la
Vieille Montagne 42.000 tonnes de zinc, 4.000 tonnes de plomb ainsi que
18 tonnes d'argent. Toutefois, les usines de la Vieille Montagne, de la
Compagnie Royale Asturienne des mines et de l’Union Minière ( société
créée en 1906 et liée à la Vieille Montagne pour exploiter les mines de
Cuivre du Congo et du haut Katanga ) qui étaient situées hors de la
zone d'occupation soutiendront avec force les armées alliées grâce à la
production de zinc, de cuivre, d'antimoniate de fer, d'oxyde de zinc et
d'acides. Lors du retrait de l'Allemagne, les sites de productions
situés en territoire conquis furent méthodiquement vidés et détruits.
Suite
à cette guerre, les dirigeants décidèrent de renforcer leurs activités
dans le sud de la France, loin des grands ports de la Mer du Nord qui
pourraient s'avérer d'une importance stratégique capitale en cas de
nouveaux conflits. La Vieille Montagne décide alors d'investir
massivement dans l'électrolyse industrielle, un procédé révolutionnaire
mis au point pour la première fois dans l'usine de Viviez dans
l'Aveyron. Afin de subvenir à ses besoins en électricité, la société
fit construire des barrages hydro-électriques sur le Lot. La méthode
par électrolyse fut une telle réussite que les autres sites de
production l'adoptèrent à leur tour au détriment de la méthode
thermique, devenue obsolète. En 1939, devant la montée en
puissance de l'Allemagne nazie, les dirigeants de la Vieille Montagne
et de l'Union Minière décidèrent de maintenir leurs activités en France
et d'entreposer leurs stocks dans les ports d'Anvers, de Bruges et
d'Ostende, de manière à pouvoir les évacuer rapidement en cas
d'invasion. Cependant, la rapidité du déploiement allemand surprend
tout le monde et en quelques jours à peine, la Belgique et la France
capitulent. l'Allemagne, soucieuse de pouvoir garantir une production
métallurgique continue pendant le conflit, place alors des ingénieurs
allemands à la tête des usines occupées. L'industrie du zinc continue
donc à produire mais en appliquant malgré tout les principes suivants :
- Pas de production différente de celle exercée en temps de paix,
- Exécuter les commandes de manière lente et désordonnée,
- Ne pas produire d'armes ni de munitions,
- Ne pas agir par esprit de lucre.
En
février 1944, Alexandre Galopin, alors président du conseil
d'administration de la Vieille Montagne, est assassiné et laisse la
société déstabilisée à la fin de la guerre. Celle-ci se releva malgré
tout et ses sites endommagés furent progressivement reconstruits et
modernisés grâce entre-autres à un stock très important de minerais
accumulé par ses installations suédoises qui permirent la remise en
marche de la production métallurgique de base. Entre 1946 et 1961, la
production passe de 58 à 200.000 tonnes tout en s'améliorant
qualitativement. En effet, dès les années cinquante, la pureté du zinc
dépasse les 99,99% pour la quasi-totalité des produits finis.
L'amélioration des méthodes d'extractions permettent également à la
société de récupérer des métaux secondaires tels que l’Indium, le
Germanium, le Thallium, l’Etain ou le Silicium. Dans les années 70, le
laminage du zinc se modernise encore et la société Vieille Montagne
décide d'investir massivement dans les coulées continues de dernière
génération. Cette modernisation permit au secteur d'introduire un
nouvel alliage composé de cuivre et de titane, ce qui apporte au zinc
une meilleure stabilité sur le long terme.
En 1978, la
capacité de la section électrolyse de l'usine de Balen est doublée,
portant ainsi la production à 200.000 tonnes par an. L'Europe se
retrouve alors à la pointe de la technologie mais la demande en zinc
s'effondre durant la crise pétrolière et la Vieille Montagne accuse des
pertes de plus d'1,3 milliards de francs belges, sonnant ainsi le glas
de l'industrie wallonne des métaux non-ferreux. Les usines de la
société Métallurgique de Prayon ainsi que les fours de Flône et l’usine
de blanc de zinc de Valentin-Cocq sont arrêtés. Au début des années 80,
la Vieille Montagne est au bord de la faillite mais un sursaut
providentiel des cours de l'argent permet à la société de garder la
tête hors de l'eau. En 1981, la Société Générale de Belgique,
actionnaire de la plupart des entreprises du secteur des non-ferreux en
Belgique et en France amorce une grande restructuration dans le secteur
en absorbant La vieille Montagne et l'Union Minière avant de transférer
ses participations dans une nouvelle Union Minière dont elle possède la
totalité du capital. En 1986, la Compagnie Royale Asturienne des mines
sera également absorbée dans l'Union. En 1988, le Groupe français Suez
prend le contrôle de la Société Générale de Belgique et de ses filiales
qui se verront grossir après l'absorption de la
Métallurgie-Hoboken-Overpelt, une grande entreprise belge spécialisée
dans les métaux non ferreux. 16.500 personnes travaillent alors pour ce
gigantesque groupe dont le capital dépasse à présent les 65 milliards
de francs belges. En 1991, La section électrolyse d'Overpelt est mise à
l'arrêt et 2.000 employés sont licenciés. L'Union Minière se
restructure alors et se positionne alors comme leader mondial dans la
production de germanium, dans la transformation du cobalt et dans la
métallurgie complexe. Elle est également leadeur européen dans le
raffinage du cuivre et du zinc et ses activités sont alors rassemblées
sous la "Business Unit Zinc Chemical" dont voici les principaux sites :
Vieille Montagne
- Balen,
- Viviez,
- Calais.
Compagnie Royale
Asturienne des Mines
- Auby.
Métallurgie-Hoboken-Overpelt
- Overpelt.
Union Zinc
- Clarksville - USA.
Avec ses 520.000 tonnes par an, l'Union minière contrôle près de 10% de
la production mondiale de zinc.
En
1994, l'Union Minière décide de vendre ses dernières mines actives,
dont Åmmeberg en Suède, pour réduire son endettement. N'étant plus
approvisionnée en amont, l'Union Minière se procurera dorénavant ses
matières premières sur le marché international du zinc. En 1995, le
nouvel administrateur du groupe, Karel Vinck, lance un programme
d'investissement de 22 milliards de francs belges tout en prolongeant
les actions visant à réduire les coûts. C'est ainsi que de nombreuses
activités jugées non stratégiques furent vendues dont la division
d'Asturienne Penamet, un réseau de distribution hérité de la Compagnie
Royale Asturienne des Mines. Ce plan d'action conduira également au
licenciement de 3.000 personnes. Karel Vinck décide alors d'étendre les
produits VMZinc aux différents marchés émergents comme l'Asie, l'Europe
de l'est ou encore les USA mais, en 1998, le cours des métaux
non-ferreux repart à la baisse en même temps que le dollar, ce qui
handicape grandement la compétitivité européenne ainsi que me démarrage
de la nouvelle fonderie d'Hoboken. L'entreprise choisi alors de
diversifier ses produits et de les étendre dans le domaine des
nouvelles technologies et dans l'industrie spatiale, le but étant de
dépasser l'image négative qui peut coller à l'image de l'Union Minière.
En 2001, La société change de nom et devient Umicore avant
de
décider, en 2003, de se désengager des activités jugées trop cycliques
sur le marché boursier. Umicore abandonne donc le raffinage du cuivre
ainsi que celui du zinc pour se concentrer sur la division laminage
ainsi que les divisions "Business Unit Zinc Chemicals" qui concerne les
oxydes et les poussières et "Business Unit Building Products" qui
concerne la construction. En 2003, Umicore acquiert Precious Metal
Group, un groupe allemand qui était intervenu dans la création de
l'usine d'Hoboken. Les divisions Business Unit Zinc Chemicals et
Business Unit Building Products seront revendues en 2016 et 2017,
Umicore ne possédant plus que la division laminage dont les produits
sont toujours revendus sous l'appellation VMZinc. Ce
laminage est
aujourd'hui effectué en partie grâce à des matériaux recyclés, le reste
des métaux étant acquis sur les marchés internationaux. Ses produits
sont utilisés dans de nombreux secteurs dont l'automobile,
l'électronique, l'optique ou encore l'énergie. Possédant un chiffre
d'affaire de plus de 13 milliards d'euros, Umicore emploie actuellement
près de 10.500 employés.