C'est
au 15ème siècle, sous le règne du Duc de Bourgogne Philippe le Bon,
qu'est évoqué pour la première fois l'aménagement d'une voie d'eau
pouvant desservir les cités Hennuyères. Cette idée traverse les époques
et passe entre les mains de Charles Quint puis entre celles de son
fils, Philippe II qui donne son accord en vue de la création d'un canal
reliant Bruxelles à Charleroi. Resté sans lendemain, le projet devient
économiquement intéressant après l'avènement de l'industrie houillère
dans le bassin carolorégien et c'est donc au 19ème siècle, sous le
règne de Guillaume d'Orange que les travaux préparatoires se
concrétisent. En 1827, le creusement du canal débute sous la
supervision de Jean-Baptiste Vifquain. Ce dernier doit rapidement faire
face aux obstacles du relief géologique et pour réduire autant que
possible la quantité de déblais à évacuer, un projet de construction
d'un tunnel sous la crête de partage des bassins de la Meuse et de
l'Escaut voit le jour au lieu dit "des bêtes refaites" (du nom d'un
relais où les chevaux pouvaient se reposer). D'une longueur totale de
1267 mètres pour une hauteur de 3 mètres, le tunnel des bêtes refaites
est bordé par une margelle permettant aux chevaux de tirer les bacs de
70 tonnes d'un bout à l'autre de l'ouvrage. Le canal Charleroi-Bruxelles
est inauguré en 1832 et relie Dampremy au canal de Willebroek.
De nombreuses installations permettent son bon fonctionnement.
- 55 écluses,
- 1 tunnel à bateau,
- 3 réservoirs,
- 10 bassins d'épargne,
- des prises d'eau situées à :
- Feluy,
- Ronquières,
- Ittre.
Cependant,
ce premier canal montre vite ses limites et, dès 1841, un projet
d'agrandissement de ce dernier voit le jour. Les nouveaux travaux
débutent dès 1854 et moins de trois ans plus tard, plusieurs sections
permettant aux embarcations de 300 tonnes de naviguer voient le jour.
Outre l'élargissement du canal Charleroi-Bruxelles, ce projet prévoit
également le creusement d'un nouveau canal reliant Seneffe au bassin
borain, ce qui permettrait aux industriels de conquérir de nouveaux
marchés dans les régions de Tournai, des Flandres ainsi que dans les
bassin de l'Aisne, de l'Oise et de la Seine via la liaison Sambre et
Oise, active depuis 1838. Le tracé de ce nouveau canal pose cependant
un problème de déclivité important. En effet, ce dernier atteint une
hauteur de 68 mètres pour sept kilomètres, ce qui entraîne une
modification importante du niveau de l'eau sur certain tronçons. De
nouvelles écluses sont envisagées mais le problème de déclivité est
tellement important que la solution la plus viable est la construction
de plusieurs ascenseurs
à bateaux, une solution qui avait déjà fait ses preuves en
Angleterre ainsi qu'à Fontinettes, dans le nord de la France.
Les travaux d'excavation du canal
du Centre
débutent en 1882 et c'est deux ans plus tard que la construction du
premier ascenseur débute à Houdeng-Gœgnies. Réalisé par la Société
Anonyme John Cockerill, ce dernier possède deux bacs et fonctionne
uniquement grâce à la force hydraulique. En 1885, le nouveau canal
Bruxelles-Charleroi entre en fonction. Le gabarit étant passé de 70 à
300 tonnes sur la totalité de sa longueur, le tunnel des bêtes refaites
fut abandonné au profit d'un nouveau tunnel de 1050 mètres de longueur
pour 9 mètres de hauteur : le
tunnel de Godarville.
Le temps de parcours entre Bruxelles et Charleroi reste cependant très
élevé car le système des tunnels ne permet la navigation qu'à un seul
bateau à la fois. L'arrivée dans les années trente des premières
péniches motorisées entraînèrent de surcroit l'enfumage de l'ouvrage
dont l'entretien commence également à poser des problèmes. En 1909
débute la construction des ascenseurs N°2, N°3 et N°4 mais l'entrée en
guerre de la Belgique ralenti considérablement les travaux qui ne se
terminèrent qu'en 1917. Permettant aux bateaux de franchir un dénivelé
de 68 mètres, ces derniers entrent en fonction en même temps que le
canal du Centre, à la fin de l'année 1917.
Après la
seconde guerre mondiale, le directeur général des Ponts et Chaussées
Gustave Willems commence à étudier la possibilité de moderniser
l'ensemble du réseau navigable belge. À cette époque, le chaland
Rhénan, un bateau de plus de 1.000 tonnes très répandu aux Pays-Bas et
en Allemagne, commence à arriver en Belgique et il fut donc décidé, à
l'aube des années cinquante, de porter le canal Charleroi-Bruxelles au
gabarit de 1.350 tonnes. Voulant éviter la construction d'un nouveau
tunnel et de nouvelles écluses, il fut décidé de creuser une nouvelle
tranchée parallèle à l'ancienne, entrainant l'arrêt de l'utilisation du
tunnel de Godarville qui vit son dernier bateau le traverser en 1958.
Cette nouvelle section entraîne également l'arrêt de quatorze écluses
qui seront remplacées dès 1968 par un ouvrage titanesque : le plan incliné de
Ronquières.
Constitué
de deux bacs indépendants de 91 mètres de long montés sur rails et
équipés chacun d'un contrepoids de 5.200 tonnes reliés par huit câbles
chacun, ce dernier compense une dénivellation de 68 mètres sur 1.432
mètres de long, ce qui en fait le plus grand plan incliné du monde. La
standardisation européenne des péniches de 1.350 tonnes entraîne
également la modernisation du canal du centre qui voit son tracé doublé
entre la Croyere et Thieu. Pour rattraper la déclivité plusieurs
propositions sont soumises mais c'est finalement le projet d'un nouvel
ascenseur unique qui est retenu. Entamés en mai 1982, l'ascenseur de Strépy-Thieu
permet le franchissement en une seule fois d'un dénivelé de 73,15
mètres entre le bassin de l'Escaut et un bief de partage d'une altitude
de 121 mètres vers le bassin de la Meuse, l'ouvrage remplaçant à lui
seul les quatre ascenseurs historiques ainsi que deux écluses. Cet
ascenseur à bateau colossal possède une hauteur de 102 mètres pour une
longueur de 135 mètres, ce qui en fait le deuxième ascenseur le plus
grand du monde après celui des trois-Gorges, situé dans la province
d'Hubei en Chine. Inauguré en 2002, Strépy-Thieu a permis une
croissance du trafic fluvial sur le canal du Centre de 22,7% avant de
connaître une période de décroissance qui se stabilisa à partir de 2011.
En
1998, les quatre ascenseurs historiques ont été classés au patrimoine
mondial de l'UNESCO et sont aujourd'hui uniquement destinés à la
navigation de plaisance.