L'industrie verrière dans la
région de Charleroi a été, dès le Moyen-Âge, l'une des pierres
angulaires du développement économique du pays mais, c'est à partir du
19ème siècle que l'activité connait un essor sans précédent. En 1840,
le cumul des produits des verreries du bassin Carolorégien est
tellement important qu'il correspond au cinquième de la production
verrière mondiale. Outre le soufflage de verre de luxe, les verreries
de Charleroi se spécialisent dans la fabrication de bouteilles et dans
le verre à vitre, ce qui améliore grandement le confort et l'isolation
des habitations.
En 1868, La S.A.
des Glaces et Verreries du Hainaut d'Octave Houtard
s'installe à Roux le long du cours d'eau du Piéton et devient
rapidement prospère, notamment grâce à l'installation, en 1875, d'un
four à Bassin par Martin André Opperman, un des inventeurs du procédé.
En cette fin de siècle, les classes sociales sont extrêmement
inégalitaires et la classe ouvrière est particulièrement oppressée. Les
améliorations technologiques provoquent des centaines de licenciements
tout en détériorant les conditions de travail et en réduisant les
salaires. En 1880, les premiers mouvements de grèves éclatent et la
classe ouvrière commence à se regrouper en syndicat. Deux ans après le
début des révoltes, la fusion de plusieurs de ces groupement donnera
naissance à l'Union
Verrière Belge.
Cependant, la colère des ouvriers ne baisse pas et en 1886, des émeutes
éclatent dans les bassins industriels du pays. A Roux, la situation est
extrêmement préoccupante. Plusieurs verreries de l'entité sont
saccagées et incendiées par la foule. Les groupes se dispersent ensuite
dans toute la région de Charleroi mais c'est à Jumet que le gros de la
masse se rassemble. Environ 5.000 personnes détruiront les
installations de la verrerie Eugène Baudoux, alors l'une des usines les
plus modernes du bassin. Ils se dirigent ensuite vers le château du
directeur qui est rapidement pillé et incendié. L'armée intervient dès
le lendemain avec l'ordre de tirer sur les ouvriers s'approchant à
moins de 150 mètres des sites problématiques. Charleroi connaît alors
un état de siège qui durera une dizaine de jours avant de se calmer.
Après le retrait des troupes, 18 personnes sont jugées devant un jury
composé d'industriels, de bourgeois, de notables et de banquiers. Les
deux responsables de l'Union Verrière Belge, Xavier Schmidt et Oscar
Falleur, sont pointés du doigts comme faisant partie des responsables
des émeutes. Ils seront défendus par Jules Destrée, alors avocat et
seront condamnés à vingt ans de travaux forcés. Devenu des symboles de
la lutte ouvrière, les autorités, par peur de représailles, décident de
prendre à leur égard des mesures d'amnistie à condition qu'ils quittent
la Belgique. Ils prendront tous les deux la direction des Etats-Unis et
seul Xavier Schmidt reverra le pays noir où il y décède en 1901. Les
événements de 1886 eurent un impact important sur la société, plusieurs
textes de loi portant sur le travail des femmes et des enfants, sur les
salaires, sur la sécurité, sur la santé et sur la création des
conventions collectives furent publiés au cours des années qui
suivirent. Les lois sociales actuelles sont l'héritage de ces
mouvements de protestation.
Après ces troubles, les verreries rouvrent leurs portes et le travail
reprend. En 1890, Martin André Opperman décide de construire une
nouvelle verrerie sur le site de la S.A. des Glaces et Verreries du
Hainaut, en partie détruite en 1886. Sa société prend
le nom de S.A. des
Glaces de Charleroi et fut équipée de trois fours à
seize pots, de cent trente deux carcaises à recuire les glaces, de dix
appareils à doucir et de sept appareils à polir. Inaugurée en 1891, une
nouvelle division fut créée en 1894 pour la confection de verre armé.
En 1904, la société adhère à la convention internationale des
glaceries, un organisme qui regroupe la quasi-totalité des producteurs
européens. Elle signa également une convention auprès du comptoir des
ventes de l'Union Continentale des Glaceries en 1912. A sa liquidation,
en 1920, la S.A. des Glaces de Charleroi se regroupa avec les verreries
voisines de Moustier, Auvelais, Floreffe et Saint Marie d'Oignies pour
former l'Union
Commerciale des Glaceries Belges avant de redevenir
les Glaces de Charleroi. Celles-ci seront les premières à adopter le
procédé Bicheroux, une technique qui permet d'obtenir par laminage
continu entre deux rouleaux, des verres imprimés, ondulés et armés. En
1930, les différents représentants de la production mécanique du verre
plat se regroupèrent pour former l'Union des Verreries Mécaniques de
Belgique.
Dans le même temps, les Glaces de Charleroi changèrent de dénomination
et devinrent la Glace
et Verre S.A. Ces deux grands producteurs
fusionnèrent sous le nom de GLAVERBEL
en 1961 avant d'être repris en
1972 par le groupe français Boussois-Souchon-Neuvesel.
En 1981, le géant nippon Asahi
Glass Group s'intéressant de plus en
plus à l'industrie verrière européenne, décide d'absorber les verreries
carolorégiennes sous le nom d'AGC
Flat Glass Europe. Les sites de
productions de la région sont alors répartis entre Roux, Lodelinsart et
Moustier-sur-Sambre pour le verre plat ainsi que Seneffe et Fleurus
pour le vitrage automobile.
Au début du 21ème siècle, la verrerie de Roux se spécialise dans la
fabrication de verres destinés aux panneaux photovoltaïque mais la
concurrence dans ce secteur est malheureusement très rude et en 2014,
AGC décide de fermer définitivement ce site de production, mettant fin
à des siècles de productions verrières à Roux.