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Espagne - Province de Murcie

Plomb

Mazarrón La Unión


Les mines de la Unión



Au cours du Miocène supérieur, la zone côtière située au sud de la péninsule ibérique subit l'un des épisodes volcaniques les plus récents de son histoire. Durant cette période, plusieurs nouvelles terres furent crées comme les îles de la Mar Menor ou encore l'île de Grosa mais l'apport géologique et historique le plus notable reste le soulèvement de la Sierra Cartagena-La Unión, une chaîne de montagne située dans le prolongement de la Sierra Almagrera connue depuis l'antiquité pour ses immenses ressources en galène argentifère ainsi qu'en plomb dont les riches veines furent déposées il y a plus de sept millions d'années grâce à de puissants processus hydrothermaux générés par l'activité magmatique. Ce sont les phéniciens qui exploitèrent en premier les gisements de plomb. En effet, on a retrouvé les traces d'un intense commerce minier dans plusieurs épaves échouées le long de la côte, des reliques principalement composées de lingots en plomb et en étain ainsi que divers objets en métal dont on retrouve des traces dans tout le bassin méditerranéen. Durant le troisième siècle avant notre ère, l'exploitation de l'argent permet également d'agrandir les différents centres urbains dont le plus important, la ville de Qart Hadasht (aujourd'hui Carthagène), fut fondé en 227 avant Jésus-Christ. L'argent sert alors à la création d'ornements et de bijoux mais aussi pour la fabrication de pièces de monnaie. À propos des mines, l'historien géographe grec Estrabón écrivit ceci : "Ces mines sont très grandes, elles sont situées à environ 4km de la ville et occupent une superficie de 75km². 40.000 ouvriers y travaillent et l'argent est récolté après broyage grâce à une série de tamis qui permet de séparer les sédiments du minerai." Ce dernier confirme également que les différentes exploitations ne sont plus publiques mais qu'elles sont désormais organisées en sociétés coopératives. En 209 après Jésus-Christ, Qart Hadasht est conquise par la République Romaine et est renommée Carthago Nova. Les mines sont alors placées sous le contrôle direct de l'État qui les modernise et les approfondit, ces dernières devenant progressivement souterraines. C'est à cette époque que commence à être exploité le Cabezo Rajao, une montagne particulièrement minéralisée située à l'est de la ville. Avec le temps, Carthago Nova devient le centre économique de l'exploitation minière de l'Hispanie romaine, devenant ainsi la troisième ville d'Espagne à recevoir le titre de colonie après Cordoue et Tarraco.
Durant le règne de l'empereur Auguste, la ville entame un vaste programme d'urbanisation et se dote d'un gigantesque théâtre romain ainsi que d'un forum. En outre, la ville se voit également accorder le droit de frapper sa propre monnaie, un privilège rare. Au cours du premier siècle cependant, l'activité minière décroit et pousse l'État à abandonner progressivement les exploitations non rentables. Louées dorénavant à des particuliers, la production continua de décliner jusqu'à son arrêt complet, à la fin du deuxième siècle après Jésus-Christ. La fin de l'industrie minière antique entraîna un déclin brutal de la ville de Carthago Nova dont une grande partie tomba en ruine. Certains filons argentifères seront néanmoins exploités durant les siècles suivants mais de manière beaucoup plus sporadique et ce n'est qu'au 19ème siècle que l'histoire industrielle de la région reviendra sur le devant de la scène.

En 1825, la promulgation de la loi sur la libéralisation de l'industrie extractive entraîne une véritable fièvre minière dans tout le sud de l'Espagne mais c'est après la découverte des riches filons du ravin de Jaroso situé dans la Sierra Almagrera que les premières extractions reprendront à l'est de Carthagène. De nouvelles prospections permettent rapidement de redécouvrir des filons exploitables et en l'espace de quelques années, la région fut divisée en 1150 concessions, toutes détenues par des sociétés par actions.
Des dizaines d'exploitations virent alors le jour au sein de plusieurs regroupements et, parmi ces mines, plusieurs se distinguèrent dès leurs débuts :

- la mina Monserrat,
- la mina Iberia,
- la mina Ocasión,
- la mina Artesiana,
- la mina Las Matildes,
- la mina Lo Veremos,
- la mina El Lirio,
- la mina Observación.

Pour maximiser le rendement, d'anciens puits romains sont rouverts tandis que les anciens tas de stériles sont retraités pour récupérer les minéraux résiduels grâce à des techniques modernes, ces dernières permettant désormais d'exploiter des carbonates ainsi que du sulfure de plomb, du zinc et de la calamine. En 1850, 38 fonderies sont actives à Carthagène. Cette croissance exponentielle permit à la région de se développer et en l'espace d'une décennie plusieurs nouveaux centres urbains furent créés :

- El Estrecho de San Ginés,
- El Llano del Beal,
- El Beal,
- El Algar,
- Herrerías,
- El Garbanzal,
- Portmán.

En 1860, Herrerias et El Garbanzal fusionnèrent et donnèrent naissance à une nouvelle municipalité nommée La Unión.
Les richesses générées par l'industrie minière provoque également l'émergence d'une classe bourgeoise qui investira d'énormes fortunes dans la construction de luxueuses maisons modernistes, un nouveau style architectural qui modifia complètement l'apparence de Carthagène et de La Unión. À cette époque, un architecte catalan nommé Victor Beltri se démarqua particulièrement grâce à des oeuvres telles que le Palacio de Aguirre, le Gran Hotel de Cartagena ou encore le Mercado público de La Unión. L'approfondissement des chantiers de La Unión entraîne cependant de gros problèmes d'inondation. Plusieurs pistes sont alors envisagées pour endiguer la situation et, au début du 20ème siècle, les sièges Las Matildes et Blanca cessèrent les extractions pour se concentrer sur l'exhaure de toute la région. L'opération fonctionna mais, peu avant la première guerre mondiale, cet incroyable essor commence hélas à décliner suite à l'apparition de concurrents internationaux comme les États-Unis ou l'Australie. Le conflit relance cependant la production de plomb utilisé pour les munitions mais, dès les années 20, le cumul des extractions chute à nouveau et la crise économique de 1929 n'arrange rien. La majorité des mines sera abandonnée au début des années 30 ce qui provoqua un dépeuplement de région, principalement dans la municipalité de la Unión qui perd près de 2/3 de ses habitants. L'activité minière sera réactivée après la seconde guerre mondiale grâce à l'arrivée de la Société Minière et Métallurgique de Peñarroya, une société française installée en Espagne sur le site minier de Peñarroya-Pueblonuevo, dans la province de Cordoue. Après avoir racheté les droits de la grande majorité des concessions de la Unión, cette dernière commença de grands travaux de terrassement avant de débuter l'extraction via d'immenses carrières à ciel ouvert dont voici la liste :

- corta Emilia,
- corta Gloria,
- corta Gloria Este,
- corta San Valentin,
- corta Tomasa,
- corta Brunita,
- corta Eloy,
- corta San Jose.

En 1957 est construit à Portmán le lavoir Roberto. Composé initialement de trois broyeurs à boulets et d'un système de flottation, cette installation est capable à ses débuts de traiter quotidiennement 2.400 tonnes de minerai brut, ce dernier étant acheminé depuis les différentes carrières via un tunnel ferroviaire nommé José Maestre.
L'agrandissement progressif du lavoir Roberto permet rapidement une exploitation annuelle de plus de 2,6 millions de tonnes de minerai, ce qui entraîna un désastre environnemental sans précédent. En effet, depuis son ouverture le lavoir rejetait annuellement à la mer près de 3.000 tonnes d'un mélange composé de stériles et de métaux lourds tels que le cadmium ou le plomb ainsi que des produits hautement toxiques utilisés pour le lavage des minerais, comme le sulfate de cuivre , le cyanure de sodium , le sulfate de zinc ou l'acide sulfurique. Ces déversements s'accentuèrent après la modernisation des installations en 1967 pour atteindre 7.000 tonnes quotidiennement. Malgré l'intervention tardive de Greenpeace et d'une partie de la classe politique, le désastre fut irréversible et le sort de la baie de Portmán fut définitivement scellé. Les chiffres liés à cette pollution donnent le tournis. On estime que 50 millions de tonnes de déchets furent rejetés à la mer, couvrant une surface de 8km² sur 150 mètres d'épaisseur, le front de mer ayant quant à lui reculé de près de 700 mètres. En 1990, dû principalement à la faible rentabilité mais aussi à la pression locale, l'activité minière cessa définitivement, Peñarroya laissant derrière elle une chaîne de montagne excavée de près de 50km² de roches, une baie polluée pour des décennies ainsi que l'anéantissement presque total d'une grande partie du biotope local. Reprise au début des années 90 par la Portmán Golf Sociedad Limitada, la zone est désormais en cours de revalorisation. Les centaines de vestiges miniers de la région sont toujours majoritairement à l'abandon mais certains furent mis en valeur comme le siège Las Matildes qui fut reconvertit en musée. Il est néanmoins possible de visiter une grande partie des autres sièges d'exploitation via les nombreux chemins de randonnées qui parcourent la Unión.

Mina Las Matildes
Lugar las Matildes, 22
30381 Beal
https://fundacionsierraminera.org/

      Reportage sur le complexe minier du Cabezo Rajao, l'endroit le plus emblématique de la Unión.

      Reportage sur les mines de la Esperanza, une petite localité située aux pieds du Cabezo Rajao.

      Reportage sur les quelques vestiges du groupe de La Parreta situé en périphérie de la Unión.

      Reportage sur les mines de la localité de Portmán,  toutes situées au bord de la mer.

      Reportage sur les vestiges du lavoir Roberto, la bête noire de la baie de Portmán.

      Reportage sur les mines Las Matildes et Blanca, situées à El Beal.

      Reportage très incomplet sur les mines de la zone de Llano del Beal.

      Reportage sur le groupe El Lirio, un magnifique  ensemble situé sur les hauteurs de Llano del Beal.

Copyright (c) / Photos by Nicolas Elias, Xavier Fer & Laura Dambremont